Le loup en Sarthe au XVIIIe siècle

 

Loup y es tu par Benoît Hubert

 
 

L'écho du Loir

Parution a la bete

Parution a la bête n 2

Conférence de Benoît Hubert "la bête du Maine" (Crédit Agricole)

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Autrefois le loup en Sarthe et Vendômois

 

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Aucun animal n’a suscité autant de craintes dans les populations rurales jusqu’au 19ème siècle.

Par Monsieur Georges BIGOT

          Sa présence en Sarthe autrefois est connue et bien documentée.

          Le dernier loup dans notre département, un vieux mâle, fut tué en 1888 ou 1891 (divergences selon les sources) en forêt de Perseigne, il pesait plus de 40 kilos. Un autre avait été tué en 1887 en forêt de Sillé le Guillaume, et un en Charnie en 1885. En décembre1860, le boucher Poquereau, rue de Gautray à St Calais, surprend un loup dans sa cour et le tue.

          La grande peur du loup a fait que les informations sont assez abondantes sur les attaques de l’animal, même si elles sont certainement très en dessous de la réalité. La grande majorité des sources se trouvent dans les registres de ‘catholicité’, baptêmes mariages et décès, tenus par les curés de paroisses, mais aussi dans les rapports de l’administration royale. Ceux du 18ème siècle deviennent plus documentés, le papier étant moins cher, les prêtres précisent davantage les conditions de décès plus explicitées. Des détails horribles sur les conditions de la mort des victimes sont mentionnés, comme par exemples ce qui restait ( têtes et pieds souvent) des enfants dévorés.

          Les informations plus anciennes des 16 et 17 èmes siècles sont plus rares. Pour la Sarthe, Jean Pierre Deleperelle  1 relève 34 victimes du loup connues identifiées et nommées, dont 20 personnes tuées et dévorées et 14 mortes de rage contaminées par l’animal, Jean Marc Moriceau , un peu moins  3 Enfants, jeunes adolescents et femmes, étaient presque les seules victimes, toujours des ruraux de condition modeste. Le nombre de victimes connues, dévorées ou contaminées et mortes de la rage est probablement très inférieur à la réalité.

          La dernière personne attaquée en Sarthe serait une enfant enlevée dans des jardins limitrophes du bourg de Mayet en juin 1826 . Alertés par les cris de l’enfant, sa mère et des adultes se lancent à la poursuite de la louve et retrouvent la petite fille près de louveteaux à qui elle était destinée.( voir J P Delaperelle)

          Voyons quelques cas. A Lavenay en février et mars 1670 4 jeunes personnes meurent de la rage dont Pierre et René fils de défunt Olivier Legeay et de Renée Legeay sa femme; ADS Lavenay 1 mi1274 ri pages 29 30

          En 1750, le 3 octobre au Luard est inhumée Françoise Langlois femme de Nicolas Rollier morte « d’un accèz de rage » et le 19 octobre à St Michel de Chavaignes, c’est Julien Guitton, « mordu par un loup et mort de rage », 2 victimes d’un même loup sans doute.

          En l’été 1753, cinq enfants sont tués et dévorés probablement par un même loup ou une meute circulant entre la forêt de Bercé et les bois de Loudon et de Changé, l’animal pouvant parcourir 30 à 40 km par jour.

  Ce sont : -Magdeleine Fronteau, 11 ans, le 02 mai 1753 à St Ouen en Belin.

   - Jeanne Le Maignan 12 ans, le 3 mai à St Gervais en Belin.

   - Marie Vérité, 8 ans, enlevée dans une rue du bourg devant les habitants de Thoiré sur Dinan. Sa mémoire est restée dans le village.

   - Joseph Lebarbier 8 ans le 9 juin à Changé  2

   -Jean Robert 9 ans, le 30 septembre à Requeil

          En mai et juillet 1744, trois enfants sont dévorés sur Mézeray et St Jean du Bois ou le curé Dufay note le 20 juillet « a été inhumé le corps de de Jacques Chevalier, décédé hier aux Vallées, âgé de 3 ans environ. Ce pauvre enfant a été pris par un loup à 10 pieds ( soit environ 3 mètres) de l’entrée de la maison et dévoré dans le taillis de la cure proche de la vigne. J’ai eu le chagrin de le voir dans cet état ».

          A Mézeray , n’est enterrée qu »’une partie du corps , le reste ayant été par un lou » (sic) de René Grimouard 6 ans le 27 mai 1744 et c’est Jouin Leroy 10 ans qui est inhumé le 02 07 1744.

          Des attaques de loups et des victimes sont mentionnées en 1784 à Montoire Souday le Plessis Dorin et Evaillé Dans le nord ouest du Loir et Cher tout proche , la paroisse de la Ville aux Clercs fut particulièrement touchée : 21 victimes entre 1595 et 1598, dont la fille de défunt Jehan Gaultier le 01 12 1595, puis sa veuve et un fils le 01 03 1598.

          En 1730 entre Vendôme et Montoire les victimes sont très nombreuses. Jean Derume le curé de Montoire et celui de Naveil décrivent longuement la situation : 14 paroisses comptent des victimes. Entre 1742 et 1755, nouvelles vagues d’attaques avec des dizaines de victimes . Jean Bordier un laboureur de Lancé qui tient un journal (republié en 1999) parle « du grand désordre que provoque la bête qui dévore les enfants, qui étrangle les enfants et les femmes » et « cette bête fauve qui enrage presque tous les jours ». Le curé de Périgny dénombre près de 120 victimes.

          Le loup inspirait aussi la terreur à cause de ses attaques mais aussi comme étant porteur de la rage, maladie qui apparaissait quelques jours ou quelques semaines après les morsures. Les souffrances absolues, avec des excès de folie, et le tableau des effets de la maladie étaient absolument horribles. Les animaux pouvaient être aussi contaminées. En 1739, la région de Vallon sur Gée est parcourue par un loup enragé; les chroniques locales parlent d’une cinquantaine de victimes.

          Les méthodes d’attaques du loup inspiraient aussi la terreur, souvent une attaque à la gorge, surtout sur les enfants. Encore aujourd’hui, c’est souvent le cas sur les moutons ou les veaux.

          Les attaques pouvaient être le le fait de loups « anthropophages » mangeurs d’hommes, 1857 victimes en France, ou de loups enragés, 1201 victimes selon les chiffes de Jean Marc Moriceau,   3 chiffres bien en dessous des réalités, et ce, du 16 au 19eme siècle.

          La Sarthe et surtout sa partie nord fut nettement plus épargnée que certaines régions comme le grand Massif Central ou la vallée de la Loire avec ses grandes forêts royales, véritables réserves à loup car peu chassées. Ainsi l’Indre et Loire a eu 279 victimes et le Loir et Cher 199 victimes recensées et nommées selon les chiffres de J.M.Moriceau.

            En Sarthe, le Haut Maine à l’époque,la chasse au prédateur fut soutenue par les autorités par des primes. Ainsi dans les années 1760, les primes sont augmentées : 20 livres pour la tête d’une louve (près de la moitié du prix d’une vache de l’époque) et 3 livres pour un louveteau. Les comptes du sous intendant du Mans Mr de Rouillon font apparaître 2658 livres déboursées pour 356 animaux tués sur le Maine entre1760 et 1764  4 .Les troubles révolutionnaires vont entraîner une recrudescence du nombre des prédateurs, et les primes sont réévaluées dés 1792 en Sarthe : 35 livres ou francs pour une louve pleine, 25 pour une louve vide, 15 pour un mâle et 5 pour un louveteau.Il faudra attendre le début des années 1830 pour voir baisser nettement le nombre des prédateurs. C’est en 1914, aux Cars en Haute Vienne que fut tuée la dernière victime en France, une petite fille.

          Le retour du loup a des conséquences économiques graves: entre 11000 et 12000 moutons et plus de 200 bovins tués par an ces dernières années. Ceci entraîne une forte baisse du nombre d’éleveurs dans les régions concernées, un tiers en 10 ans. Les loups revenus en France sont souvent venus d’Italie, mais dans l’est de la France, les analyses génétiques des loups (par les poils souvent) montrent que ces animaux appartiennent à des populations russo baltes. Sont ils vraiment venus à pied ?

          La présence du loup a beaucoup restreint l’élevage des moutons en France jusqu’au 19eme siècle : ils sont peu présents dans les inventaires et recensements agricoles dans le Maine. Alors que la Grande Bretagne avait entrepris d’éradiquer le prédateur dés les environs de l’an mil, ce qui lui permit d’être jusqu’au 19ème le pays leader de cet élevage et de l’industrie de la laine (avec les Pays Bas), pendant des siècles.

 

  1   - Jean-Pierre Delaperelle, ancien président du Cercle Généalogique Maine et Perche (CGMP) , auteur de « le loup et l’homme jadis « 102 pages’ édité par le CGMP 2018

  2    - Joseph Lebarbier de Changé est un de mes ‘cousins’ à la mode généalogique, tout comme Guillaume Rocheteau, un autre ‘cousin’ dévoré le 26 juin 1673 à 14 ans lui aussi à Changé. Ainsi nos ancêtres ont pu être directement concernés par les victimes du loup.

  3  - Jean Marc Moriceau, professeur d’histoire à l’université de Caen, directeur de la revue « Histoires et société rurales » auteur d’une vingtaine de livres sur le monde rural, dont « Histoire du grand méchant loup, 3000 attaques sur l’homme en France du 15 au 20ème siècle. (620 pages nombreux tableaux et cartes chez Fayard). C’est le livre le plus complet sur le loup en France, même si l’équipe de l’auteur a ‘oublié’ certaines paroisses sarthoises comme Changé ou Lavenay.

  4  - Jean Lemmet : les loups : leur présence en Sarthe, page 65 Revue de la Société Historique du Maine 2001. A noter aussi un article de J.Cl.Boulard: en Sarthe, le loup; dans la revue Cénomane n°8 1982

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